Ensemble

«Chimera»
(2000) for 11 players

Cl basse (Cl), Sax (tenor et sop), Trp, Trb, 3 Perc, Pf, Vn, Va et Vc
Commande de la WDR, Cologne
Création : le 7 mai 2000, Wittener Tage für neue Kammermusik
Ensemble Ictus, dirigé par Georges-Elie Octors
Durée : 10 minutes
Editions :Breitkopf & Härtel

Prix du public au Festival Ars Musica (Bruxelles-2002)


Une chimère désigne, dans la mythologie grecque, un monstre fabuleux possédant une tête de lion, un corps de mouton, et une queue de serpent. En biologie, une chimère est une créature de laboratoire obtenue par manipulations génétiques : elle possède les caractéristiques de deux ou plusieurs espèces réunies. Lorsque le système immunitaire n’est pas encore stabilisé, il n’y a pas de réaction de rejet et le monstre survit. Ce système de défense transmet aux cellules de l'organisme un message chimique qui signale la présence d’un corps étranger. Les cellules ont plusieurs options de comportement face à ce message : rester passives, lutter, choisir la réaction dominante de leurs voisines, se suicider …  Le message initial se modifie au cours de ses multiples transmissions, et entraîne soit l'apparition d'un anticorps et l'élimination de l'intrus, soit la maladie et la mort de l'organisme.
Au niveau cellulaire, les réactions ne sont pas contrôlables, mais au niveau macroscopique, on observe une rétroaction entre le système immunitaire et son milieu : le milieu  stimule des réactions cellulaires qui influent sur le développement du système immunitaire. Ces éléments ont inspiré les modes d'évolution de cette pièce: introduire un corps étranger, diffuser l'information, fabriquer des anticorps, provoquer le combat.

"Chimera" doit également beaucoup à la musique techno. La pulsation est omniprésente, affirmée ou souterraine, et tous les éléments s'y rattachent. La techno s’écoutant en général fort, la pulsation est perçue par le corps, et interagit directement avec le rythme cardiaque. Ce qui rapproche encore cette musique de l’organique, ce sont les répétitions de figures courtes et le travail sur les filtres électroniques, qui m'évoquent la transmission / transformation d'une information chimique entre cellules. J’ai cherché à transposer ces manipulations sonores pour les instruments traditionnels; leurs contraintes spécifiques obligent à inventer de nouveaux modes de jeu et à créer des structures sonores inédites. On retrouve par exemple un jeu sur les harmoniques du piano, un équivalent acoustique des filtrages. A ce titre, "Chimera" s’apparente à de la « techno acoustique ».

Ma chimère musicale a une durée de vie de 10 minutes. Des gènes différents sont introduits sur un "embryon-souche" (des battements rapides de bongos), et vont provoquer des évolutions imprévisibles. Les éléments vont devoir entrer en conflit ou modifier leurs métabolismes individuels, ce qui en retour affectera le corps dans son entier. Des cellules reproduisent et transforment un message qui décidera de la vie de cette créature contre nature.

Chimera